L'Evolution des Religions

E.C. - L'Ere Spirituelle - 1928

A150101ConfReligionsLes sceptiques, les matérialistes et les athées soutiennent à qui veut les entendre que les religions, en général, ne sauraient être d’origine divine. Ils prétendent que toutes, sans exception, sont issues du cerveau humain et qu’elles ne sont que le fruit de notre imagination.

Ils se basent, pour étayer leurs affirmations, sur ce fait indéniable que toutes les religions, quelle qu’en soit la forme, suivent pas à pas la mentalité de leurs adeptes. Elles sont rudimentaires et barbares chez les peuplades sauvages ; elles exigent des sacrifices sanglants chez certains peuples sanguinaires.

Elles sont empreintes de bonté et de bienveillance lorsqu’elles s’adressent à des races d’un caractère naturellement doux et accueillant. Enfin elles ne s’affinent graduellement et n’aspirent à un idéal de plus en plus élevé qu’en raison du progrès constant des civilisations.

Ce fait est incontestable. Partout nous voyons que les différentes formes de religion sont adaptées à la mentalité, aux besoins et aux aspirations de leurs fidèles. De là à dire qu’elles ont été crées de toutes pièces par le cerveau humain, sans qu’il y ait eu besoin d’une révélation de la part d’une intelligence supérieure à celle de l’homme, il n’y a qu’un pas. Mais, c’est aller un peu vite et raisonner tout à fait superficiellement, en ne s’attachant qu’à un seul côté de la question, le côté extérieur, celui de la lettre, de la forme.

Un autre fait, aussi indéniable que le premier sur lequel les matérialistes s’appuient, nous prouve qu’il y a dans les religions autres choses qu’une simple conception de l’intelligence humaine. L’idéal propre à chacune d’elles est toujours plus élevé, que celui de la grande masse de leurs fidèles. Ceux-ci pratiqueront peut-être assidûment tous les rites extérieurs du culte et en suivront tous les exercices sans en manquer un seul. Tant qu’il ne s’agira que de cela, tout ira bien. Mais quand il leur faudra accorder tous les actes de leur vie journalière avec les enseignements religieux qu’ils auront reçu et la morale qui leur aura été donnée comme exemple à suivre, seront les défaillances. Un petit nombre seulement d’entre eux parviendra à mettre couramment en pratique les préceptes de ces enseignements.

Il y aura donc toujours pour la plupart des fidèles un gros effort à faire avant de pouvoir s’élever réellement jusqu’à l’idéal de leur religion. Si les religions n’étaient issues, comme le soutiennent les sceptiques, que de l’intelligence des différents peuples qui les suivent, ne serait-il pas plus logique d’admettre qu’ils se seraient créés un idéal beaucoup plus facile à atteindre, ne dépassant, guère le cadre de leur vie matérielle et de la commodité personnelle de chaque individu ?

Mais, il a plus encore. Chaque fois que les plus avancés parmi les adeptes d’une religion ont réellement atteint un stade de progrès tel qu’on peut considérer l’idéal religieux comme entièrement réalisé par eux, on voit naître un nouvel idéal plus élevé encore qui s’offre à leurs aspirations. On assiste à l’éclosion d’une nouvelle forme de cette religion, plus affinée, plus épurée.

Tout ceci prouve surabondamment que les religions doivent avoir nécessairement une autre origine que l’imagination humaine. Les plus élevées d’entre elles, et même certaines autres ayant un idéal moins exalté, enseignent à leurs fidèles la bienveillance envers autrui, la douceur, la bonté, le respect scrupuleux de l’hospitalité, et recommandent de pratiquer la charité par des aumônes. Comment l’homme primitif dont le seul souci était d’assurer son existence matérielle et de défendre jalousement par tous les moyens les biens qu’il avait péniblement acquis, aurait-il pu concevoir un tel idéal, alors que tout le poussait à n’envisager égoïstement que la jouissance de ces biens, à l’acquisition desquels il consacrait sa vie ? Ce n’est pas dans la satisfaction immédiate de ses besoins matériels qu’il aurait pu trouver les premiers rudiments d’un idéal tendant à l’élever au-dessus des nécessités de l’existence de chaque jour. Il a donc fallu que la première impulsion vers cet idéal lui vienne de l’extérieur, car il eût été incapable de la trouver en lui-même.

Les différentes religions sont une aide spirituelle qui a été donnée sous diverses formes à l’humanité par les Grands Etres sublimes qui dirigent son évolution et veillent sur elle. Rien de plus naturel et de plus logique que cette aide, lorsqu’elle est donnée à des peuplades primitives, se manifeste extérieurement sous une forme primitive. A quoi cela servirait-il de parler d’amour du prochain, de pardon des offenses et de maîtrise de soi-même à des êtres qui ne sont pas encore capables de comprendre un idéal aussi élevé ? Pourquoi leur parler d’un Dieu qui n’est qu’Amour et Miséricorde, alors qu’ils ne respectent que la force et la brutalité ? Il faut, au contraire, leur dépeindre la Divinité sous la forme d’un Dieu farouche, terrible, sachant manier la foudre et le tonnerre, et qui soit surtout capable d’entrer dans de violentes colères, car cette colère étant, la seule chose qu’ils redoutent chez leurs semblables sera aussi celle qui leur fera craindre la Divinité.

A partir du moment où l’homme a pris possession de son corps triple, c’est-à-dire lorsque chez lui l’Ego, l’étincelle divine revêtue de ses trois voiles spirituels a été reliée au triple véhicule par l’intellect, il a été graduellement abandonné à lui-même par les Hiérarchies spirituelles qui jusque-là l’avaient entièrement guidé dans sa descente vers la matière, c’est-à-dire dans son involution. Mais cet intellect, qui est le moyen permettant à l’Ego de diriger son corps triple, venant à peine de prendre naissance, avait toutes les faiblesses, toutes les défaillances d’un enfant nouveau-né. D’autre part l’homme était soumis aux impulsions violentes de son corps du désir, dont le rôle est précisément de le pousser à l’action dans un sens ou dans l’autre, afin qu’il puisse par ces actions répétées acquérir peu à peu l’expérience qui lui est indispensable pour progresser, pour se dégager graduellement, par l’évolution, de la matière dans laquelle il était emprisonné.

Si l’homme était demeuré entièrement livré à lui-même il n’aurait obéi dans l’action qu’aux impulsions brutales de son corps du désir, car son intellect aurait été impuissant, parce que trop faible, dans la plupart des cas, pour réfréner ces violents impacts. Or chacun de nos actes, qu’il soit irraisonné ou réfléchi, met en jeu la Loi des Conséquences : chacune de nos actions est une cause dont les effets ne manifesteront infailliblement tôt ou tard et dont l’enchevêtrement constitue notre destinée individuelle. Sous l’empire de son corps du désir, dont il était impuissant à maîtriser les impacts, l’homme aurait accumulé dans sa destinée une série de conséquences telles, qu’il lui aurait été impossible de se dégager des liens de la matière dans lesquels il serait resté empêtré pendant une durée de temps incalculable, sans pouvoir parvenir à s’engager dans la voie de l’évolution par laquelle il doit remonter graduellement vers la Divinité.

C’est la raison pour laquelle les différentes formes de religion ont été données à l’homme par les Hiérarchies spirituelles ayant charge de son évolution, comme, une aide puissante destinée à lui permettre de maîtriser graduellement son corps du désir, de le subjuguer et de l’asservir finalement à son intellect, lorsque celui-ci sera devenu assez développé pour assumer la tâche de le diriger. Ce n’est que par degrés successifs que l’homme parvient à s’élever dans son idéal religieux jusqu’à la Divinité.

Il commence à adorer par crainte un Dieu terrible qu’il ne voit pas, mais dont il soupçonne l’existence par la vue des phénomènes grandioses de la Nature. Les effroyables cataclysmes auxquels il assiste, tremblements de terre, éruptions volcaniques, raz de marée, inondations, sont pour lui les manifestations de la colère divine. Et ce Dieu farouche qui déchaîne à son caprice les éléments, qui manie à son gré la foudre et le tonnerre, il essaie de se le concilier par des sacrifices, des offrandes et des pratiques de toutes sortes, comme le font encore de nos jours les peuplades primitives qui se livrent à l’adoration de fétiches.

Il apprend peu à peu que la Divinité, dont il sent dans sa crainte la main puissante s’abattre et peser lourdement sur lui, est la dispensatrice de tous les biens de la terre dont il convoite si ardemment la possession. Ses récoltes sont détruites par la grêle, la maladie décime ses troupeaux. Alors il se résigne à faire des offrandes à la Divinité pour gagner ses faveurs. Il sacrifie ses bêtes pour apaiser la colère divine et il demande en échange que ses troupeaux s’accroissent. Il offre des grains de ses récoltes et il demande qu’ils lui soient rendus au centuple. Tous ces sacrifices, il les consent à regret, par calcul, par avarice, dans l’espoir que la Divinité finira par l’écouter et exaucera ses prières en le comblant de ses bienfaits. Le Dieu qu’il adore est un Dieu de tribu ou de race, qui veille sur ses fidèles et les protège, qui assure le succès de leurs armes dans les combats, mais qui exige une obéissance immédiate à ses lois et punit sévèrement sur-le-champ toute transgression par des fléaux terribles. L’homme, une fois parvenu à ce stade, ne peut pas encore comprendre que tous les hommes sont ses frères, mais le Dieu de race lui enseigne à être bon, bienveillant et hospitalier envers tous ceux qui font partie de sa race et de sa tribu et lui donne des lois pour établir les droits de chacun dans la race ou dans la tribu.

La Loi religieuse est la caractéristique de toutes les religions de race. Elle est aussi celle de toutes les religions de nos jours, car toutes sont encore des religions de race, sous une forme qui s’atténue néanmoins de plus en plus dans les plus avancées.

Enfin l’homme apprend, et apprendra surtout plus tard, à s’élever au-dessus de tous les commandements, au-dessus de toutes les lois religieuses et à devenir une loi par lui-même, en devenant un humble agent de la Divinité qui exprimera dans tous ses actes Sa Volonté et Son Amour. La voie pour parvenir à ce stade lui a été tracée il y a deux mille ans par le Christ. C’est le Christianisme, mais la vrai Christianisme ésotérique; vers lequel les religions chrétiennes ne sont encore qu’un acheminement progressif.

C’est l’Initié Suprême de la troisième Période de la Création, la Période de la Lune, celui que nous appelons le Saint Esprit et que nous nommons Jéhovah, qui est le fondateur ou l’instigateur de toutes les religions de race. Son autorité formidable se manifeste par la Loi religieuse dans toutes, même dans les religions chrétiennes de nos jours, quoique celles-ci s’irradient déjà de la pure lumière de l’Amour Divin que le Christ, le Sublime Esprit Solaire, est venu nous apporter il y a deux mille ans.

Jéhovah ayant eu charge de l’évolution de l’humanité divisa celle-ci en groupes, afin que, dans leur sein, chaque individu pût progresser plus rapidement que s’il était demeuré dans son isolement. Ces groupes sont les tribus et les races. Assisté par les Archanges, qui sont les Esprits de Race, il donna à chacun de ces groupes un ensemble de lois religieuses approprié au stade de progrès qu’il avait atteint. Ces différents ensembles de lois constituent les différentes religions de race.

Mais sous l’empire de ces lois, sous l’autorité de Jéhovah, l’humanité ne pouvait dépasser un certain stade de progrès. Afin d’atteindre l’étape suivante il était nécessaire à un certain moment de renverser les barrières établies par la différenciation de l’humanité en tribus et en races, il était indispensable de la fondre en un grand tout, en une seule grande Fraternité qui serait l’aurore de l’Unité dans laquelle toute l’humanité sera confondue plus tard au cours d’une Epoque future.

Ce fut l’œuvre du Christ. Il est venu il y a deux mille ans pour établir les bases de cette Fraternité où tous les hommes se considéreront comme des frères ayant la même origine divine, et pour faire disparaître les barrières établies par les Esprits de Race à l’instigation de Jéhovah.

C’est ainsi que l’Initié Suprême de la Période de la Lune nous a conduits vers le Christ, l’Initié Suprême de la Période du Soleil. Toutes les religions de race dont il a été l’instigateur l’indiquent en des termes précis. Toutes parlent du Grand Esprit Solaire qui doit venir un jour et qui est venu il y a deux mille ans. Les anciens Perses attendaient Mithra ; les Chaldéens parlaient de Tammuz. La mythologie scandinave fait allusion, dans ses récits symboliques, au Crépuscule de Dieux qui aura lieu lorsque Sutr viendra pour régénérer la Terre. Les anciens Egyptiens attendaient Horus, le nouveau Soleil. Un fait caractéristique et frappant, c’est que la plupart des anciens temples étaient orientés vers l’est, afin que le Soleil levant put y pénétrer en balayant de ses rayons le portail grand ouvert. Même la basilique de Saint-Pierre de Rome est édifiée de cette manière.

L’islamisme, postérieur de huit siècles à l’ère chrétienne est aussi une religion de race qui a été établie, toujours à l’instigation de Jéhovah que les mahométans appellent Allah, afin de faire avancer plus rapidement tout un ensemble de peuplades et de tribus qui serait resté en arrière sur la route du progrès, soit en s’attardant dans des formes de religions fétichistes, soit en demeurant sous les lois de religions ne convenant en aucune façon à leur tempérament et à leur nature.

C’est ainsi que toutes les religions sans exception évoluent lentement et progressivement vers le Christianisme, la religion de l’avenir qui réunira toute l’humanité dans une seule grande Fraternité.

II ne faut nullement s’étonner si les premières formes des religions chrétiennes sont encore des religions de race, où l’autorité de Jéhovah, le Saint-Esprit, se manifeste encore dans toute sa puissance par la Loi religieuse. Lorsque le Christ est venu, il y a deux mille ans, pour établir les bases de la grande Fraternité future, ses enseignements secrets, qui constituent le Christianisme ésotérique et qui seront la religion universelle de l’avenir, ne pouvaient être compris que par un très petits nombre d’êtres parmi les plus avancés dans l’évolution. Ces enseignements étaient d’ailleurs destinés à les faire progresser plus rapidement encore afin qu’ils pussent constituer l’élite, l’avant garde de l’humanité sur la route du progrès spirituel. Mais la grande masse, enfermée jusque-là dans le cadre des lois religieuses de toutes les religions de race eût été totalement incapable du moindre progrès sans ces lois. Les lui enlever d’un seul coup pour les remplacer par la Loi d’Amour du Christ, qu’elle n’était pas en état de comprendre et de mettre en pratique du jour au lendemain, eût été l’exposer aux expériences les plus funestes et aux pires défaillances. C’est pourquoi les Grands Initiés auxquels était échue la mission d’établir les bases des premières Eglises chrétiennes, suivant les sublimes enseignements du Christ, leur ont-ils donné sous l’autorité de Jéhovah une forme inspirée des antiques religions de race.

L’évolution des religions exotériques ne peut se faire, comme l’évolution de l’humanité en général, que très graduellement et d’une manière insensible, car elle doit en accompagner pas à pas les progrès. Le véritable idéal religieux est contenu dans l’ésotérisme de ces religions qui ne peut être compris et mis en pratique que par l’élite de ses fidèles.

Les religions chrétiennes de nos jours sont des religions exotériques, car elles s’adressent à la grande masse de la chrétienté. Elles imposent à celle-ci des lois religieuses pour l’aider à mettre en pratique dans la vie journalière les enseignements du Christ. Mais elles ne sont qu’un acheminement progressif vers le Christianisme ésotérique qui constitue leur idéal secret, leur but final. L’homme ayant atteint ce but n’aura plus besoin d’aucune loi pour se diriger dans chacune de ses existences, car il sera devenu une loi en lui-même, comme un humble agent de la Divinité, en se conformant dans chacun de ses actes à la Loi d’Amour du Christ.

Conférence basée sur l'Enseignement rosicrucien
 légué à Max Heindel par les Frères Aînés de la Rose-Croix.